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Mahaim et Maillard

Au Conseil des Etats le 12 novembre

Raphaël Mahaim

Né le 31 décembre 1983 à Lausanne, membre des Vert-e-s.
Conseiller national, membre de la Commission des affaires juridiques et de la Commission judiciaire
Avocat, Docteur en droit de l’environnement, bachelor en sciences de l’environnement
Co-président de l’Interprofession agricole Green Care Suisse (agriculture sociale)
Membre du comité des associations suivantes : Avocat·e·s pour le climat, Habitat durable (association des propriétaires respectueux de l’environnement et des relations sociales) et Fédération suisse des entreprises (faîtière des PME progressistes)

Pierre-Yves Maillard

Né le 16 mars 1968 à Lausanne, membre du Parti socialiste.
Membre du Conseil d’État du canton de Vaud, à la tête du département de la santé et de l’action sociale, de décembre 2004 à mai 2019, président de l’Union syndicale suisse depuis mai 2019 et Conseiller national vaudois de décembre 1999 à novembre 2004 et depuis décembre 2019.

Améliorer les salaires et les conditions de travail

Le progrès des salaires et des conditions de travail passe par la poursuite de l’extension des conventions collectives de travail (CCT). C’est ainsi qu’on peut le mieux instaurer des mécanismes d’indexation des salaires et obtenir régulièrement des améliorations. Le Parlement fédéral peut y contribuer en rendant plus accessible l’extension obligatoire des CCT de branche. 80% des emplois du secteur privé doivent être couverts par une CCT. Nous nous opposerons également aux velléités de la droite de rendre impossibles les salaires minimaux cantonaux (motion Ettlin).
La crise du pouvoir d’achat qui touche la population suisse accable davantage les ménages avec enfants. Pour la prévenir, une augmentation des allocations familiales à au moins 400 francs par enfant est une mesure rapide et simple. En outre, les prestations complémentaires pour familles introduites dans le canton de Vaud ont démontré leur efficacité en termes de réduction de dépenses à l’aide sociale et de soutien à l’activité professionnelle. Ce système devrait être étendu à toute la Suisse.

Un plan national climat et biodiversité

La Suisse a ratifié l’accord de Paris qui demande de limiter le réchauffement climatique à maximum 1.5 degrés par rapport à l’ère préindustrielle. La neutralité carbone en 2050 concrétise pour la Suisse cet objectif de 1.5 degrés. La Suisse s’est aussi engagée à protéger 30% de surfaces pour la biodiversité, conformément à la convention internationale sur la biodiversité. Pour atteindre ces objectifs, cela suppose une série de mesures dans tous les domaines de la vie en société, afin de réduire notre dépendance aux énergies fossiles, faire la transition vers davantage de sobriété et vers les énergies indigènes d’origine renouvelable ; en ce qui concerne la biodiversité, des mesures de protection des zones riches en biodiversité et des espèces sont nécessaires. A l’image de ce que connaissent de nombreux cantons et villes, un « plan climat et biodiversité fédéral » permettrait de veiller à une mise en œuvre cohérente et coordonnée de toutes ces mesures dans tous les domaines. Un conseil scientifique, avec compétence consultative, serait chargé de veiller à ce que les objectifs (intermédiaires ou définitifs) soient atteints et proposer des mesures permettant de corriger le tir si tel n’est pas le cas.

Renforcer les rentes AVS

Plutôt que d’investir encore deux milliards de cotisations sociales supplémentaires dans une réforme du deuxième pilier qui baissera encore les rentes, il faut garder ce montant pour l’AVS et financer ainsi une 13ème rente. Le financement de l’augmentation de la population de retraité·e·s représente une augmentation de cotisation d’à peine 1% (moitié salariée, moitié patronale) pour les 25 prochaines années. Il n’y a donc aucune urgence financière à augmenter l’âge de la retraite. C’est pourquoi nous nous opposerons à toute réforme ou tout mécanisme automatique qui contraindrait à aller dans ce sens.
Au contraire, le thème des carrières longues et pénibles (travail de nuit, travail debout, travail physique) doit enfin amener à renforcer les prestations de retraite. De même, le plafonnement injuste des rentes de couple doit être réformé. Des solutions complémentaires de financement comme une micro-taxe sur les transaction financière (motion Rieder) doivent être envisagées.

Prix planchers pour les produits agricoles indigènes et une souveraineté alimentaire renforcée

Des études récentes ont documenté que sur toute la chaîne de valeur des produits agricoles, les marges des agriculteurs étaient très faibles, parfois même insuffisantes pour couvrir leurs coûts. A l’inverse, celles des distributeurs sont souvent très importantes et constituent une part substantielle du prix final payé par le consommateur. Il n’existe aucune transparence en la matière, faute de statistique fédérale, ce qui constitue une première partie du problème.
Il convient donc d’établir un suivi statistique fédéral des marges sur toute la chaîne de production : production, lavage, tri, emballage, stockage, distribution et prix de vente final en rayon. Sur la base d’une telle statistique, il sera ensuite possible de définir des prix planchers pour les principaux produits agricoles, afin de renforcer la position des agriculteurs dans les négociations avec la grande distribution. L’introduction de ces prix planchers sera accompagnée de mécanismes de protection afin que les distributeurs ne se contentent pas de répercuter cette hausse sur les consommateurs finaux. De même, ce mécanisme sera doublé d’un renforcement de la souveraineté alimentaire, en ce sens que la Confédération légifèrera afin d’élever les exigences relatives aux denrées alimentaires importées qui devront être de bonne qualité et produites dans le respect de l’environnement, des ressources et des animaux, ainsi que dans des conditions de travail équitables.

Repenser la LPP pour limiter les coûts de gestion et les dividendes et renforcer la solidarité

Les quarante ans de la LPP en 2025 doivent être l’occasion d’une réflexion de fond sur l’avenir de ce système. Avec 60 milliards environ de cotisations par an pour un peu plus de 40 milliards de prestations et 1100 milliards de capitalisation, il doit être possible de développer les prestations de la prévoyance vieillesse plutôt que de continuer à les réduire comme le veulent la droite et les milieux financiers intéressés à ce « business ».
Dans la LPP, les assureurs peuvent prélever jusqu’à 560 francs par assuré par année pour les verser en dividendes à leurs actionnaires. Les frais de gestion sont par ailleurs très élevés et très disparates, selon un rapport du Contrôle fédéral des finances. Un potentiel d’économies de 1 à 2 milliards par an est donc largement atteignable, par une interdiction de la distribution de bénéfices et par un plafonnement des coûts de gestion. Avec ce montant on peut élargir les prestations légales de la LPP.
Un bonus éducatif dans le deuxième pilier analogue à celui qui a été introduit dans l’AVS permettrait de mieux rendre justice au travail éducatif fourni par les parents et surtout par les femmes. Et un mécanisme obligatoire d’indexation des rentes LPP en cas d’inflation élevée doit être introduit.
En outre, une bonification de formation (sous condition de ressource et lorsque la personne n’a pas une formation de niveau tertiaire) pourrait être utilisée pour permettre aux travailleuses et travailleurs d’effectuer une formation certifiée en Suisse. Si elle n’est pas utilisée, la somme pourrait financer une rente anticipée. Une telle mesure apporterait un modeste correctif aux inégalités de revenu et d’espérance de vie que subissent celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt. Ce serait aussi une contribution concrète au manque de main d’œuvre qualifiée dont se plaignent les organisations économiques.

Un abonnement général d’appel à prix cassé et un développement accéléré des infrastructures ferroviaires régionales et des lignes internationales

Le report modal vers les transports publics est un objectif prioritaire pour réduire les nuisances liées au transport individuel motorisé et pour contribuer à désengorger le système routier. Le prix des abonnements de transports publics constitue souvent un obstacle important, les nouveaux utilisateurs hésitant à faire le pas au vu du prix d’achat d’un abonnement général par exemple (près de Fr. 4000.- pour un adulte en deuxième classe). Pour inciter de plus en plus de monde à se déplacer en transports publics, un abonnement général d’appel pour la première année d’utilisation sera créé pour un tarif Fr. 1’000.- (adulte) ou Fr. 500.- (jeunes de moins de 25 ans, seniors, personnes en situation de handicap) par année. Par ailleurs, le gros défi actuel pour la Suisse romande est la modernisation et le développement de ses infrastructures ferroviaires qui sont pour part incomplètes voire vétustes, ainsi que le financement du trafic voyageur régional qui a été réduit par décision récente du Conseil fédéral. La priorité doit être mise sur le trafic régional, sur le réseau des grands axes autour du nœud ferroviaire de Lausanne et sur les lignes internationales (y compris les trains de nuit, encore trop chers et mal coordonnées entre la Suisse et les pays européens).

Soutenir les entreprises formatrices et l’insertion des jeunes en difficulté dans l’apprentissage

Les entreprises et les branches qui font l’effort de former nos apprenties et apprentis assument seules les coûts de cet effort. Les nouveaux acteurs économiques dans les secteurs de l’économie de plate-forme, les start-up ou l’économie numérique ne sont souvent pas familiarisés avec notre système de formation dual et participent peu à cet effort. Dans le canton de Vaud, il existe un modeste fonds de formation professionnelle qui permet de mettre à contribution toutes les entreprises et de soulager les charges des entreprises formatrices. Une telle solution devrait être renforcée et développée à l’échelle fédérale.
En outre, il existe un grand potentiel non utilisé pour l’apprentissage parmi les jeunes qui ont connu une transition difficile entre l’école et l’apprentissage. Pour que cela change, il faut corriger la différence de traitement dans le code civil entre un·e jeune en formation et un·e jeune en difficulté du point de vue de la responsabilité des parents. Cette différence de traitement pose d’immenses problèmes de cohérence entre les bourses d’études et l’aide sociale notamment. En égalisant les règles de l’obligation parentale entre ces deux situations, on ferait des économies dans l’aide sociale et ces économies pourraient être investies dans une politique publique ambitieuses d’insertion des jeunes en difficulté dans la formation professionnelle.

Un congé parental de 34 semaines et un congé de fin de grossesse d’un mois pour les femmes

La Suisse est très en retard dans ses mesures permettant de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. L’introduction d’un très modeste congé paternité de 2 semaines a constitué un premier pas qu’il convient maintenant de développer, dans le sens du soutien aux jeunes parents et de l’égalité. Il est en effet établi que l’absence de congé parental digne de ce nom renforce les inégalités au sein des couples parentaux et met les parents dans des situations très difficiles à la reprise de la vie active. Le modèle de congé parental préconisé est de 16 semaines minimum pour les femmes et de 14 semaines minimum pour l’autre parent, avec 4 semaines supplémentaires à se partager entre les deux parents. En fin de grossesse, les femmes doivent pouvoir se consacrer à la préparation de leur accouchement et prendre soin de leur santé. De nombreuses femmes sont d’ailleurs contraintes de cesser de travailler pour raisons de maladie. Un congé prénatal de fin de grossesse, comme de nombreux pays européens le connaissent, est un moyen de protéger la santé de femmes enceintes et de permettre aux parents de préparer au mieux l’arrivée de leur enfant. Ces congés seraient financés par le système déjà connu des allocations pertes de gain, soit un financement mutualisé pour toute la population par les cotisations salariales.

Bloquer le taux de référence pour les loyers aussi longtemps que l’inflation n’est pas réduite à moins de 2% et introduire un contrôle public des loyers

Une hausse des loyers menace pour l’automne en raison de la hausse des taux d’intérêts de la BNS qui aboutit à une hausse du taux de référence pour la fixation des loyers. Le paradoxe de cette situation réside dans le fait qu’en prétendant lutter contre l’inflation avec ses hausses de taux, la BNS nourrit l’inflation en contribuant à augmenter les loyers. Pour l’éviter, il faudrait une modification urgente de l’ordonnance sur le bail à loyer pour plafonner le taux de référence aussi longtemps que l’inflation n’est pas redescendue en dessous de 2%.
En outre, le contrôle du loyer abusif repose uniquement sur l’action en justice du locataire lésé. Comme dans le domaine de l’égalité salariale, c’est la personne lésée qui doit faire respecter la loi, alors qu’elle est la partie faible au contrat. Cette situation a abouti à l’existence massive de loyers abusifs. La somme retirée abusivement aux locataires est estimée selon une étude de la banque Raiffeisen à près de 18 milliards par an. Pour y remédier, il faudrait que l’Etat exerce un contrôle régulier sur les bailleurs importants en procédant à des révisions des baux. Dans le domaine de la TVA ou de l’AVS de tels contrôles ont lieu régulièrement auprès des employeurs et permettent de s’assurer que la loi est respectée.

Une stratégie « 0 discrimination salariale et violence liée au genre » d’ici à 2030

La stratégie égalité 2030 adoptée en 2021 par le Conseil fédéral vise à promouvoir spécifiquement l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle est toutefois très peu volontariste pour ce qui concerne l’égalité salariale et ne contient que très peu de mesures contraignantes permettant de révéler les violations de l’égalité en entreprise. Il est ainsi nécessaire de développer les moyens de contrôle et d’intervention pour éliminer les inégalités salariales inexpliquées qui s’élèvent encore à presque 10% en Suisse. Pour les violences liées au genre, il faut agir à plusieurs niveaux : la formation (de base et continue) des professionnels et des professionnelles, confronté·e·s aux violences sexistes et à la violence domestique, notamment dans toute la chaîne pénale, doit être massivement développée ; le principe « qui frappe part du domicile » doit être mis en œuvre rapidement en droit civil et appliqué dans les tribunaux ; le harcèlement obsessionnel (stalking) doit devenir une infraction pénale ; enfin, la surveillance électronique active permettant de suivre les auteurs de violence, telle qu’elle est pratiquée en Espagne, doit être introduite en Suisse.